IN VINO VERITAS

En 1987 la télé­vi­sion belge inter­viewe la légende Charles Bukows­ki, roman­cier, poète et alcoo­lique amé­ri­cain. Lors de l’en­tre­tien bien arro­sé, l’é­cri­vain et sa voix rocailleuse dis­tille quelques conseils avi­nés avi­sés (54 ans de car­rière, plus de 60 ouvrages) sur l’é­cri­ture et plus par­ti­cu­liè­re­ment sur le style. Et “C’est rare un style Mon­sieur”.

Petite leçon sur le style, ou com­ment scot­cher ses lec­teurs selon Chinaski.

Extrait de l’in­ter­view de Charles Bukows­ki par la Télé­vi­sion Belge. 1987.

Voi­ci la tra­duc­tion de la par­tie sur les conseils d’é­cri­tures, et avec des fautes s’il vous plaît :

Comme beau­coup d’autres écri­vains, il n’y a pas de rythme, de viva­ci­té dans ses lignes (Mal­com Lowry). Il n’y à pas de vie, pas de rayons de soleil.

Quand tu écris tes mots doivent faire Bim-Bim ‑Bim. Bim-Bim-Bim. Bim-Bim-Bim. 

Chaque phrase doit être déli­cieu­se­ment juteuse, pleine de saveur. Elles doivent débor­der de puis­sance. Vos lignes doivent être tel­le­ment savou­reuse qu’elles obligent le lec­teur à tour­ner les pages. Bim-Bim-Bim. 

Ce que font ces gars (la plu­part des écri­vains) : Bien…bla bla bla…tadada… C’est trop tran­quille, ils ins­tallent la scène pour l’ar­ri­vée des émo­tions, mais quand ils parlent d’é­mo­tions, il n’y en pas.

Chaque phrase doit avoir ça propre puis­sance, sa propre émo­tion, son propre jus, son propre parfum.

Ecrire ne doit jamais être ennuyeux, ça ne doit pas ennuyer ni le lec­teur ni l’é­cri­vain lui-même. ça ne doit pas être emmer­dant. Tu dois mettre du juice dans chaque phrase. Les écri­vains m’en­dorment. Chaque phrase doit être une propre entité.

Tu ne peux pas écrire “Miss McCur­ly était assise sur une chaise. Il était 3 heures de l’après-midi dans l’é­tat sudiste de Géor­gie…”. C’est déjà mort!

Tu dois dire.… les choses! les choses!”

Charles Bukows­ki à L.A. 1980.
Pho­to de Eli­sa Leonelli. © 

Quelques exemples de Bim!Bim!Bim! par Charles Bukowski

…les rela­tions humaines étaient un tel fias­co. Seules les deux pre­mières semaines étaient un peu émous­tillantes, ensuite les par­ti­ci­pants per­daient de leur inté­rêt. Les masques tom­baient, les gens se mon­traient tels qu’ils étaient : abru­tis, imbé­ciles, givrés, revan­chards, sadiques, assas­sins. La socié­té moderne avait créé un type par­ti­cu­lier, qui s’en­tre­dé­vo­rait avec son sem­blable. c’é­tait un duel à mort— dans une fosse scep­tique. Charles Bukows­ki ‑Women- 1978 

Il fal­lait bien que les gens trouvent quelque chose à faire en atten­dant de mou­rir. Pour ma part je trou­vais plu­tôt sym­pa qu’on ait le choix.J’ai fait mon choix. J’ai prix la bou­teille de Vod­ka et ai bu au gou­lot. Les russes étaient vrai­ment for­tiches. Charles Bukows­ki. Women. 1978.

Les plus grands hommes sont les plus soli­taires. Charles Bukows­ki — Women — 1978 

Com­ment diable un homme peut-il se réjouir d’être réveillé à 6h30 du matin par une alarme, bon­dir hors de son lit, ava­ler sans plai­sir une tar­tine, chier, pis­ser, se bros­ser les dents et les che­veux, se débattre dans le tra­fic pour trou­ver une place, où essen­tiel­le­ment il pro­duit du fric pour quel­qu’un d’autre, qui en plus lui demande d’être recon­nais­sant pour cette oppor­tu­ni­té ? Charles Bukowski 

USA. Charles Bukows­ki. 1986. The Ame­ri­can wri­ter in Los Angeles.
Pho­to de Tho­mas Hoep­ker. Mag­num Pho­tos tout droit réservés.

Les conseils de lec­ture de Charles Bukowski 

L’a­mé­ri­cain John Fante (1909–1983) a indé­nia­ble­ment ins­pi­ré Charles Bukows­ki. En 1979 il écrit dans la pré­face de “Demande à la pous­sière” sor­tie en 1939 :

Un jour j’ai sor­ti un livre, je l’ai ouvert et c’é­tait ça. Je res­té plan­té un moment, lisant et comme un homme qui a trou­vé l’or à la décharge publique … Les phrases filaient faci­le­ment à tra­vers les pages comme un cou­rant … Voi­là enfin un homme qui n’a­vait pas peur de l’é­mo­tion… Le début du livre était un gigan­tesque miracle pour moi.

PLONGEZ VOUS DANS L’OEUVRE DE BUKOWSKI, à LIRE AVEC MODÉRATION 

Romans : Women ; Fac­to­tum ; Le Pos­tier ; Hol­ly­wood ; Pulp


l homme pressé paul morand